• Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
    J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
    Je ne ouis demeurer loin de toi pklus longtemps.

    Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
    Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
    Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
    Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

    Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
    Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
    Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
    Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


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  • Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé,
    Le prince d'Aquitaine à la tour abolie :
    Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
    Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

    Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
    Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
    La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
    Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

    Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
    Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
    J'ai revé dans la grotte où nage la syrène...

    Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
    Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
    Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.


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  • A la morne chartreuse, entre des murs de pierre,
    En place du jardin l'on voit un cimetière,
    Un cimetière nu comme un sillon fauché,
    Sans croix, sans monument, sans tertre qui se hausse:
    L'oubli couvre le nom, l'herbe couvre la fosse;
    La mère ignorerait où son fils est couché.

    Les végétations maladives du cloître
    Seules sur ce terrain peuvent germer et croître,
    Dans l'humidité froide à l'ombre des longs murs;
    Des morts abandonnés douces consolatrices,
    Les fleurs n'oseraient pas incliner leurs calices
    Sur le vague tombeau de ces dormeurs obscurs.

    Au milieu, deux cyprès à la noire verdure
    Profilent tristement leur silhouette dure,
    Longs soupirs de feuillage élancés vers les cieux,
    Pendant que du bassin d'une avare fontaine,
    Tombe en frange effilée une nappe incertaine,
    Comme des pleurs furtifs qui débordent des yeux.

    Par les saints ossements des vieux moines filtrée,
    L'eau coule à flots si claire dans la vasque éplorée,
    Que pour en boire un peu je m'approchai du bord...
    Dans le cristal glacé quand je trempai ma lèvre,
    Je me sentis saisi par un frisson de fièvre:
    Cette eau de diamant avait un goût de mort!


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  • J'étais à toi peut-être avant de t'avoir vu,
    Ma vie, en se formant, fut promise à la tienne;
    Ton nom m'en avertit par un trouble imprévu;
    Ton âme s'y cachait pour éveiller la mienne.
    Je l'entendis un jour et je perdis la voix;
    Je l'écoutais longtemps, j'oubliais de répondre;
    Mon être avec le tien venait de se confondre:
    Je crus qu'on m'appellait pour la première fois.
    Savais-tu ce prodige? Eh bien! Sans te connaître,
    J'ai deviné par lui mon amant et mon maître,
    Et je le reconnus dans tes premiers accents,
    Quand tu vins éclairer mes beaux jours languissants.
    Ta voix me fît pâlir, et mes yeux se baissèrent.
    Dans un regard muet nos âme s'embrassèrent;
    Au fond de ce regard ton nom se révéla,
    Et sans le demander j'avais dit: "Le voila!"
    Dès lors il ressaisit mon oreille étonnée;
    Et y devint soumise, elle y fut enchaînée.
    J'exprimais par lui seul mes plus doux sentiments;
    Je l'unissais au mien pour signer mes serment.
    Je le lisais partout, ce nom rempli de charmes,
    Et je versais des larmes.
    D'un éloge enchanteur toujours environné,
    A mes yeux éblouis il s'offrait couronné.
    Je l'écrivais... bientôt je n'osais plus l'écrire,
    Et mon timide amour le changeait en sourire.
    Il me cherchait la nuit, il berçait mon sommeil,
    Il résonnait encore autour de mon réveil:
    Il errait dans mon souffle, et, lorsque je soupire,
    C'est lui qui me caresse et que mon coeur respire.
    Nom chéri! nom charmant! oracle de mon sort!
    Hélas! que tu me plais, que ta grâce me touche!
    Tu m'annonças la vie, et, mêlé dans la mort,
    Comme un dernier baiser tu fermeras ta bouche.

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  • J'ai voulu ce matin te rapporter des roses;
    Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
    Que les noeuds trops serrés n'ont pu les contenir

    Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
    Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
    Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir.

    La vague en a paru rouge et comme enflammée.
    Ce soir, ma robe en est toute embaumée...
    Respires-en sur moi l'odorant souvenir.


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